Le droit international est plus important que jamais : les traités de libre-échange font leur œuvre depuis bientôt vingt ans. La Chine prend une expansion considérable. L’Inde se développe. Le Canada exporte une partie importante de sa production. Les jeunes veulent « voir le monde ». 2018 marquera le 60e anniversaire de l’adoption de la Charte internationale des droits de l’homme de l’ONU. Or, en de multiples endroits du monde, les droits de la personne sont bafoués. Quel rôle l’avocat peut-il jouer sur la scène internationale?
Quand on parle de droit international, il faut d’abord distinguer les transactions internationales, qui ne sont pas à proprement parler du droit international privé, qui lui-même se distingue du droit international public.
Les transactions internationales relèvent d’abord du droit commercial entre entreprises situées en différents coins du globe. Il peut s’agir de la vente de biens ou de services, d’acquisitions ou de fusions d’entreprises. « Ce secteur progresse bien », souligne Jean-François Théorêt, directeur de Robert Half Legal. L’entreprise a des points de services en différentes villes canadiennes et américaines, en plus d’un bureau à Paris, qui dessert l’Europe.
« Les cabinets pan-canadiens tendent à développer l’aspect commercial de leur pratique, souligne Me Théorêt, afin de répondre au besoin d’expansion de leurs clients ou à leur volonté de s’installer en d’autres contrées. Les entreprises canadiennes veulent aussi obtenir leur part du gâteau de l’expansion chinoise. »
Il souligne aussi l’assouplissement des règles des barreaux provinciaux relatives à la mobilité des avocats à l’intérieur du pays, où le Québec fait exception. Seule province régie par le droit civil, la migration des avocats vers les provinces de common law se fait plus difficilement.
« Le droit transactionnel diffère toutefois un peu, souligne Me Théorêt. Les règles de rédaction de contrats internationaux se recoupent régulièrement. Ce type de droit est donc plus facilement exportable. »
La nature de l’économie oriente le travail des avocats d’affaires. L’évolution fulgurante de l’Alberta amène une nouvelle clientèle. Certes y retrouve-t-on une concentration d’entreprises pétrolières. « Ce secteur constitue certes un gros moteur de l’économie albertaine, analyse Me Théorêt, mais les retombées dépassent ce seul secteur. De plus en plus de grandes entreprises s’y installent, tous domaines confondus, ce qui crée un potentiel pour les avocats. »
Toronto demeure toutefois la métropole canadienne. C’est là que l’on retrouve le plus grand nombre de sièges sociaux, donc la plus grande concentration de dossiers d’envergure pour les spécialistes du droit. Cette ville demeure en croissance, même si elle est moins importante qu’à Calgary.
Quant à Montréal, elle demeure une ville en santé même si la situation y est plus stable. La métropole québécoise se démarque par les nouvelles technologies, les télécommunications et la pharmacologie, dont la biotechnologie.
Le droit international privé
Qu’advient-il lorsque des litiges naissent des ententes internationales? C’est ici que le droit international privé peut entrer en scène. Il est ici question d’interprétation de lois et de jurisprudence étrangères. Où et selon quel régime juridique un conflit entre une entreprise québécoise et new-yorkaise sera-t-il résolu?
Le contrat prévient souvent les débats juridiques en prévoyant une clause à ce sujet. Me Christopher Richter, associé chez Woods s.e.n.c.r., précise : « Souvent, les négociateurs prévoient qu’en cas de conflit, le litige sera entendu à New-York ou à Toronto, par exemple, et selon le droit américain ou canadien. Par cette clause, le conflit de juridiction est éliminé dès le départ. Toutefois, des problèmes peuvent survenir de clauses mal rédigées. »
Me Richter souligne que de façon générale, de moins en moins de litiges parviennent devant les tribunaux, mais que ceux qui s’y rendent sont de plus en plus complexes. « Il en va probablement de même des dossiers à caractère internationaux. »
Contrairement au secteur des transactions internationales, le droit international privé connaît un développement relativement faible, à l’exception de la propriété intellectuelle. Il est ici principalement question de droits d’auteur et de brevets relatifs aux nouvelles technologies et à la biotechnologie.
Le droit international public
Le droit international public met en scène des États. Il peut s’agir du conflit sur le bois-d’œuvre, où les tarifs douaniers imposés par les États-Unis étaient jugés illégaux par le Canada parce que contrevenant aux traités de libre-échange.
Il peut aussi s’agir de conflits relatifs au respect des droits de la personne. Secteur beaucoup moins important que les transactions internationales, il connaît une recrudescence depuis quelques années. « Il est extraordinaire de constater la vitesse exponentielle avec laquelle les possibilités se développent depuis dix ans », souligne Me Élise Groulx, présidente-fondatrice du Barreau pénal international et de l’Association internationale des avocats de la défense.
Elle invoque les objectifs du millénaire lancés par le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan : relier le développement durable et les enjeux de sécurité, de paix et de reconstruction des États de droit. « Cela passe par l’adoption de législations anti-corruption, de politiques de bonne gouvernance et de mise en place de mesures d’aide internationale », souligne Me Groulx.
Pour les avocats, le potentiel provient de diverses sources : l’ONU, les organismes gouvernementaux de niveau international et les organismes non-gouvernementaux. Le site www.canadem.ca effectue une veille sur les postes ouverts : « CANADEM appuie la détermination du Canada à renforcer les activités des organisations internationales, particulièrement l’ONU, l’OSCE et autres organismes multilatéraux ainsi que leurs partenaires non gouvernementaux, qui tous visent à promouvoir les principes universels de la charte des Nations unies, la paix et la sécurité internationales, les droits de la personne et la notion de responsabilité vis-à-vis de toutes les personnes en matière de protection. » Une section du site s’adresse précisément aux avocats.
L’Agence canadienne de développement international réalise des activités sur ses propres bases et soutient celles des ONG. Son site Internet www.acdi-cida.gc.ca présente une rubrique Emplois. En 2005-2006, l’ACDI a investi 32,2 millions de dollars pour soutenir les efforts de ses partenaires dans le domaine de la primauté du droit et 48,3 millions de dollars pour appuyer les droits de la personne. « Le financement de ces deux secteurs a augmenté de façon constante depuis cinq ans », note Bronwyn Cruden, agente de relations avec les médias à la Direction générale des communications de l’ACDI. Dans le cas de la primauté du droit, la hausse est de 103% depuis cinq ans, alors que l’augmentation atteint 130% pour les projets relatifs aux droits de la personne.
Toute une série d’initiatives provient des ONG elles-mêmes. L’Association du Barreau canadien ou les barreaux provinciaux pourront offrir certaines informations à cet égard.
Cheminer sur la scène internationale représente un défi. En droit international public, particulièrement dans son volet humanitaire, les avocats doivent d’abord penser à réaliser des mandats ponctuels. Pour certains, la réalisation de missions à l’étranger mène à une carrière en droit international, mais il est difficile d’en préciser le nombre.
Travailler pour une ONG exige une conscience sociale. « Les salaires y sont microscopiques, observe Me Groulx. Et le bénévolat est fréquent. On ne fait pas de droit humanitaire pour l’appât du gain. Parfois, on paie pour en faire. »
Toutefois, l’avocat qui croit à la solidarité internationale pourra y croître tout en vivant selon ses valeurs.