Une récente enquête montre qu’au sein de l’appareil étatique, deux juristes sur trois sont insatisfaits au travail, et que s’ils le pouvaient, ils démissionneraient. Zoom sur un gros enjeu.
Le sondage réalisé par l’Association des notaires et avocats du Québec (ANEQ) en février 2018 montre un certain climat de morosité, quelques semaines après le recours à une loi spéciale pour forcer le retour au travail des juristes en grève.
Ainsi, 70 % des répondants disent ne pas voir la possibilité de développer leur carrière dans le contexte actuel, et la moitié d’entre eux considèrent que leur ambiance de travail n’est pas agréable. Visiblement, le conflit avec le gouvernement, qui a été le plus long de l’histoire de la fonction publique canadienne, a laissé des cicatrices béantes.
Nouveau président de l’ANEQ, Marc Dion est aussi l’un de ces anciens juristes de la fonction publique, qui a travaillé une bonne partie de sa carrière au sein de l’Agence du revenu du Québec. Il évoque une profession bafouée et, surtout du côté des juristes de droit civil, un manque de reconnaissance. « Notre sondage montre que ces juristes de l’État sont toujours passionnés par leur profession et que la plupart sont satisfaits de leurs relations de travail, dit-il. Mais ils sentent que leur employeur, qui a choisi de ne pas traiter les juristes du civil sur le même pied d’égalité que les juristes de droit criminel, ne respecte pas leur intégrité. »
Les procureurs de la Couronne et autres avocats relevant du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) ont en effet vu leur indépendance reconnue par le gouvernement, un privilège auquel n’ont pas droit les autres juristes de l’État.
« Les avocats de droit civil ont l’impression d’être considérés par leur employeur comme des avocats de seconde zone, indique Marc Dion. Or, travailler comme juriste pour la fonction publique, c’est un choix noble, une mission de service collectif pour laquelle tous les juristes de l’État se dédient avec la même rigueur. Il n’y a aucune raison de créer un système inégalitaire entre la Couronne et les juristes du civil. »
Le ministère de la Justice, qui emploie une partie de ces juristes, arrive à des conclusions similaires au terme d’une enquête sur le climat organisationnel, réalisée auprès de ses employés. Ce sondage témoigne du fait que les employés de la Direction générale des affaires juridiques et législatives (DGAJL) considèrent recevoir moins de reconnaissance que les autres employés du ministère.