Procès chez France Télécom : Les dirigeants risquent un procès pour « harcèlement » moral envers les employés de la firme.
Il y a risque de procès chez France Télécom. La plainte déposée est aussi inédite que les évènements visés. En effet, pourquoi une entreprise qui compte près de 60 000 fonctionnaires à emploi garanti dans un pays offrant un droit social extrêmement protecteur déplore-t-elle 37 suicides depuis début 2008 – dont 11 seulement pour les quatre premiers mois de l’année 2010? Par ailleurs, comment blâmer des dirigeants rémunérés pour transformer une ancienne administration en une société inscrite à la bourse et opérant sur un des marchés les plus concurrentiels?
Des chiffres qui déroutent…
Le suicide est un acte de désespoir qui fait l’objet d’une attention particulière de la part de l’Organisation mondiale de la santé. Selon l’OMS, le taux de suicide annuel en France est de 26,4 pour 100 000 hommes. Il s’agit d’un des taux les plus élevés en Europe – néanmoins loin derrière le Japon. Par comparaison, il s’établit à 17,4 au Canada et à 17,7 aux États-Unis. Ça ne rend pas la situation moins tragique pour autant, mais France Télécom, avec ses 100 000 employés, se situe parfaitement dans la « moyenne nationale ».
Quand le facteur travail s’invite
C’est en réalité le taux de suicide sur le lieu de travail qu’il faudrait examiner. Malheureusement, peu de données sont disponibles. Néanmoins, une étude du Bureau of Labor Statistics, conduite entre 1992 et 2001, nous informe qu’en moyenne 217 Américains se sont suicidés annuellement au cours de la période de référence pour des raisons directement reliées au travail, soit un taux de 0,15 pour 100 000 employés (en estimant la population active des États-Unis à environ 150 millions d’individus). En adaptant ce ratio au taux général de suicide en France, on pourrait déduire qu’une entreprise de 100 000 personnes devrait déplorer 0,22 suicide par an ; ce qui est loin d’être le cas de France Télécom avec un ratio 15 fois plus élevé… La situation n’est plus seulement tragique, mais également pathologique.
L’instruction de la plainte nous apprendra si ce triste phénomène est imputable ou non aux dirigeants de l’entreprise. Un fait ne plaide cependant pas en leur faveur : confronté à la même situation de marché, l’opérateur historique du Royaume-Uni (BT) a supprimé 30 000 emplois sur les deux dernières années sans dénombrer à priori un seul suicide.